Urgent Appeal

Tunisie: Attaques et actes d’intimidation à l’encontre de l’association DAMJ et de sa coordinatrice Mira Ben Salah

05-04-2024

L’Observatoire a été informé des attaques et actes d’intimidation à l’encontre de DAMJ, Association tunisienne pour la justice et l’égalité, et de la coordinatrice de son bureau de Sfax, Mme Mira Ben Salah (de son nom de naissance Amine Ben Salah). DAMJ est une organisation œuvrant à la promotion de la justice, de l’égalité et de l’inclusion des communautés les plus vulnérables en Tunisie, et en particulier la communauté LGBTIQ+. L’organisation travaille activement à la protection des personnes marginalisées, discriminées et criminalisées du fait de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.

Le 27 février 2024, le bureau de l’association DAMJ situé à Sfax a fait l’objet d’une descente de police. Aux alentours de 11 heures, la coordinatrice du bureau Mira Ben Salah a entendu des coups de poings et coups de pieds agressifs sur la porte du bureau. Effrayée, elle n’a pas immédiatement répondu mais a fini par ouvrir la porte tandis que les individus tentaient de forcer l’entrée à l’aide d’un objet en acier. Lorsqu’elle a ouvert la porte, trois hommes en civil se sont présentés comme des policiers et ont demandé à voir la pièce d’identité de Mme Ben Salah et d’avoir accès au bureau. Mme Ben Salah a demandé que lui soit présenté un mandat de perquisition, sans quoi elle refuserait l’accès au bureau et ne présenterait sa carte d’identité que si elle recevait une convocation officielle.

Face au refus de Mira Ben Salah, l’un des policiers s’est montré de plus en plus agressif, a tenté de la pousser, a menacé de la placer en garde à vue et a affirmé que les activités de l’association étaient illégales. Mme Ben Salah n’a pas cédé aux menaces et les policiers sont repartis. Des voisins ont informé les membres de DAMJ qu’avant de se présenter à leur bureau, les policiers avaient questionné les habitant·es de l’immeuble quant aux activités de l’association et à l’identité de ses bénéficiaires.

Le même jour, suite à la visite des agents de police, le bureau de l’association a reçu six appels des services de police. Mme Ben Salah a été sommée de se présenter au poste de police le plus rapidement possible avec son contrat de travail ainsi que les documents attestant du statut juridique de l’association, sans quoi des agents de police reviendraient avec un mandat de perquisition. Mme Ben Salah s’est alors présentée au poste de police accompagnée d’une avocate et a affirmé vouloir porter plainte pour harcèlement contre le policier qui l’avait menacée. La plainte a finalement été déposée auprès du procureur de la République le 29 mars 2024.

Depuis ces incidents du 27 février 2024, Mira Ben Salah affirme faire l’objet de harcèlement croissant de la part des forces de l’ordre, dont la présence autour du bureau de DAMJ s’est renforcée. Les agents de police contrôlent son identité quasi quotidiennement et accompagnent ces contrôles de moqueries et insultes liées à l’identité de genre de Mme Ben Salah. Les bénéficiaires de DAMJ se sentent également plus exposé·es et craignent pour leur sécurité lorsqu’ils et elles se rendent au bureau de l’association.

Par ailleurs, les 19 et 22 février 2024, Mme Ben Salah avait déjà fait l’objet de harcèlement à travers plusieurs appels téléphoniques au cours desquels elle a reçu des menaces, y compris des menaces de mort.

L’Observatoire précise que ces actes d’intimidation font suite à la dénonciation par DAMJ, dans un communiqué du 26 janvier 2024, de l’intensification des menaces à l’encontre de la communauté LGBTIQ+ et de ses défenseur·es de la part des autorités tunisiennes. Le communiqué évoquait notamment la déclaration portée par des parlementaires le 1er décembre 2023, lors d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en présence de la ministre de la Famille, de la Femme, de l'Enfant et des Personnes âgées, selon lesquels il était essentiel de contrer le phénomène portant atteinte à la famille traditionnelle, en faisant référence à l'homosexualité. DAMJ a également documenté l’arrestation arbitraire et la criminalisation d’au moins 10 personnes en janvier 2024 du fait de leur appartenance à la communauté LGBTIQ+.

L’Observatoire rappelle par ailleurs que ce n’est pas la première fois que l’association DAMJ et ses membres font l’objet de menaces du fait de leurs activités. En août 2023, Malek Khedhri, un créateur de contenu tunisien, a utilisé les plateformes Instagram et TikTok pour lancer une campagne de haine et de violence contre la communauté LGBTIQ+. Ses comptes Instagram et TikTok ont alors été suspendus grâce aux signalements massifs de la communauté, suite à quoi le créateur de contenu a créé des groupes Telegram rassemblant environ 1000 participants, au sein desquels ont été partagées des photos et des vidéos de membres de DAMJ, y compris de Mme Mira Ben Salah, ainsi que les adresses et les numéros des bureaux de l’association, appelant à la violence et aux attaques contre les membres de DAMJ et les bénéficiaires de l’association.

Le 8 août 2023, DAMJ a déposé une plainte contre Malek Khedhri auprès du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis. Le créateur de contenu a été convoqué, interrogé, puis poursuivi devant le Tribunal de première instance de Tunis. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, l’'affaire est toujours en cours et la prochaine audience est prévue pour le 29 avril 2024.

En outre, en juillet 2023, le bureau de Sfax de DAMJ avait déjà fait l’objet de harcèlement téléphonique de la part des services de police menaçant l’association de perquisitionner leur bureau et de remettre en cause la légalité de leurs activités. Le 21 août 2023, DAMJ a déposé une plainte auprès de l'inspection générale du Ministère de l'intérieur, demandant une enquête administrative. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, aucune suite n’a été donnée à cette demande.

L’Observatoire rappelle également que DAMJ fait l’objet de menaces et d’actes de harcèlement depuis de nombreuses années. En mars 2021, plusieurs membres de l’association avaient fait l’objet d’actes de surveillance, d’agressions, d’arrestations et de détention arbitraires, de harcèlement judiciaire, de menaces de mort et d’intrusion à leur domicile.

L’Observatoire exprime sa vive inquiétude face aux nouvelles attaques et actes d’intimidation à l’encontre de DAMJ et de ses membres, qui ne semblent viser qu’à les dissuader d’exercer leurs activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités tunisiennes, et en particulier le Ministère de l’intérieur, à mettre un terme à toute forme de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des membres de DAMJ, et à mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente afin d’en identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial.

L’Observatoire appelle également les autorités tunisiennes, et en particulier le Ministère de l’intérieur, à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité de Mira Ben Salah et de tou·tes les membres de DAMJ, et à garantir les droits à la liberté d’association et d’expression dans le pays.

How You Can Help

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tunisiennes en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances la sécurité, l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Mira Ben Salah, ainsi que de tou·tes les  membres de DAMJ et plus largement de tou·tes les défenseur·es des droits humains en Tunisie, et veiller à ce qu’ils et elles puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles ;
  2. Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur les actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de Mira Ben Salah, ainsi que de tou·tes les membres de DAMJ, afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;
  3. Garantir en toutes circonstances les droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association dans le pays, tels que consacrés par le droit international des droits humains, et en particulier par les articles 19 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques respectivement ;
  4. Abroger les dispositions légales qui criminalisent l’orientation sexuelle et permettent de faire pression sur les associations et défenseur·es des droits de la communauté LGBTIQ+ et contribuent à rendre plus vulnérables les membres de cette communauté.

Addresses

 

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la Tunisie dans vos pays respectifs.

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