Statement

RDC : 15 ans après les faits, une justice incomplète dans l’affaire Chebeya/Bazana

09-07-2025

Quinze ans après le début de l’affaire Chebeya et Bazana, tous les responsables n’ont pas été jugés et certaines infractions, comme la détention illégale d’armes par le Colonel Mukalay, restent sans suite. Alors que ce dernier sera bientôt libéré, l’Observatoire pour la protection des défenseur⋅es des droits humains (FIDH-OMCT), le Groupe Lotus, l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO), la Ligue des électeurs et la Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV) alertent sur les risques de représailles pour les victimes, témoins, avocats et défenseur·es des droits humains, et appellent à des poursuites complètes pour garantir vérité, justice et protection.

Kinshasa – Kisangani – Paris – Genève – 9 juillet 2025 – Alors que le Colonel Daniel Mukalay attend sa libération de la prison centrale de Makala à Kinshasa après avoir purgé une peine de 15 ans de prison pour le double assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, l’Observatoire, le Groupe Lotus, l’ASADHO et la VSV rappellent que sa responsabilité dans la détention illégale d’armes dans cette même affaire n’a pas encore été examinée.

Lors de son arrestation en 2010 après le meurtre de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana, un arsenal d’armes avait été découvert dans le véhicule qu’il conduisait et un procès-verbal de police avait été dressé. Lors de ses interrogatoires par les juges de première instance, le Colonel Mukalay avait affirmé que ces armes lui avaient été remises par le Général John Numbi. Cependant depuis, aucune procédure n’a été initiée pour cette infraction.

L’organisation d’un procès spécifique sur la détention illégale de ces armes constitue une exigence majeure au regard de la lutte contre l’impunité. Le Colonel Mukalay, dont la libération est prévue au cours du mois de juillet 2025, doit voir sa responsabilité examinée à nouveau dans ce volet et sans délai afin que les juges puissent évaluer la menace que représente cette infraction et, le cas échéant, décider du maintien en détention du Colonel Mukalay.

Par ailleurs, malgré les condamnations de certains policiers responsables dans l’affaire Chebeya/Bazana, notamment celle du Colonel Daniel Mukalay, condamné définitivement en 2015 à 15 ans de prison à l’issue de son procès devant la Haute cour militaire, le dossier continue de susciter de vives inquiétudes quant à la réparation intégrale des victimes - qui se fait attendre - et la sécurité des défenseur⋅es de droits humains, des avocats et des témoins impliqués, en particulier à l’approche de la libération du Colonel Daniel Mukalay.

L’Observatoire et les organisations signataires soulignent la nécessité pour les autorités de garantir la sécurité de l’ensemble des acteurs impliqués dans l’affaire Chebeya et Bazana, afin de préserver l’intégrité, la transparence et l’impartialité du pouvoir judiciaire. Dans un contexte où la société civile et les familles des victimes continuent de demander justice et de veiller à la mémoire des disparus, la remise en liberté d’un condamné fait naître de vives inquiétudes face à d’éventuelles représailles ou actes d’intimidation.

En outre, au vu de la gravité des faits reprochés et de la condamnation du Colonel Daniel Mukalay, il est impératif que les autorités congolaises le destituent des forces de police (au titre des articles 29 à 32 du Code pénal militaire, institué par la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002). Cette mesure s’impose non seulement pour garantir la crédibilité des forces de l’ordre, mais aussi pour éviter qu’un individu condamné pour des crimes puisse continuer à exercer au sein d’une institution policière. La destitution du Colonel Daniel Mukalay constitue une étape essentielle afin de renforcer la lutte contre l’impunité et d’assurer une justice intégrale pour toutes les victimes ainsi que pour la société civile congolaise.

Finalement, l’Observatoire et les organisations signataires se joignent aux avocats des familles Chebeya et Bazana pour demander, une fois de plus, aux autorités congolaises de disjoindre les poursuites contre les militaires et policiers inculpés dans cette affaire, afin que ceux qui sont déjà en détention préventive puissent être jugés en l’absence du Général Numbi sur le territoire congolais et que tous les responsables, y compris les plus hauts gradés, soient jugés et sanctionnés. Une deuxième plainte avait en effet été déposée en octobre 2020 par les avocats des parties civiles contre le Général John Numbi, le Général Zelwa Katanga alias Djadjidja et les policiers ayant participé à l’exécution des deux défenseurs. Le dossier avait été transmis à la Haute cour militaire pour fixation de la date du procès, qui, à ce jour, n’a toujours pas été fixée. L’Observatoire et les organisations signataires s’adressent à nouveau aux autorités en vue d’obtenir la destitution des forces armées du Général John Numbi. En exil depuis mars 2021, un mandat d’arrêt international a été lancé par l’Auditorat général de la RDC à son encontre. Celui-ci doit pouvoir, s’il est appréhendé, être poursuivi et comparaître devant les juridictions congolaises compétentes.

Tant que tous les responsables n’auront pas été jugés pour tous les crimes et infractions commis dans cette affaire, il ne pourra en effet y avoir de garantie de justice, vérité et protection pour les familles Chebeya et Bazana, les témoins , les défenseur·es et avocats.

Signatories

  1. Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO)
  2. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⋅es des droits humains
  3. Groupe Lotus
  4. Ligue des électeurs
  5. Organisation mondiale contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⋅es des droits humains
  6. Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV)
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