Press Release

France  : Les représailles contre PPLAAF et Global Witness s’intensifient avec de nouvelles procédures baillons

30-11-2020

Depuis la publication de leur rapport «  Des Sanctions, mine de rien  », les deux associations sont visées par 4 plaintes en France

(Paris, le 23 novembre 2020) – Les procédures-bâillons contre PPLAAF et Global Witness diligentées par les personnes visées par leurs enquêtes sont de nouvelles tentatives de rétorsion contre les groupes qui travaillent pour faire éclater la vérité. Une coalition de 48 organisations de protection des lanceurs d’alerte et de la presse, accompagnés de groupes anti-corruption et de protection des droits humains, appellent la communauté internationale à agir immédiatement pour enrayer ce type de harcèlement judiciaire visant des vigies de l’intérêt général.

Le but réel de ce type de procédure n’est pas de faire condamner des journalistes ou des associations, mais de les harceler, de créer un environnement suffisamment hostile pour les pousser à l’auto-censure, pour tenter vainement de décrédibiliser leur parole et de détourner l’attention de l’opinion publique de l’extrême gravité des informations publiées.

Le 2 juillet 2020, Global Witness et PPLAAF ont révélé, dans une enquête conjointe intitulée «   Des sanctions, mine de rien  », la face sombre de l’empire commercial du milliardaire Dan Gertler. Avaient également participé à cette enquête internationale  Le Monde,  Bloomberg, et  Haaretz.

Dan Gertler est un homme d’affaires israélien, magnat du secteur minier en République Démocratique du Congo (RDC), proche de Joseph Kabila, président de la RDC de 2001 à 2019. En 2017, le Bureau des contrôles des avoirs étrangers du département du trésor américain (OFAC) a émis des sanctions contre Dan Gertler et ses sociétés. L’OFAC lui reproche de s’être servi de son amitié étroite avec l’ancien président congolais pour s’imposer comme intermédiaire dans la vente d’actifs miniers en RDC, obligeant ainsi certaines multinationales à passer par lui pour faire des affaires avec l’Etat congolais. L’OFAC a estimé qu’entre 2010 et 2012 seulement, la RDC avait perdu plus de 1,36 milliards de dollars de revenus en raison de la sous-évaluation des actifs miniers vendus à des sociétés offshores liées à Dan Gertler.

À la suite de ces sanctions, les entités connectées avec les États-Unis ont l’interdiction de mener des transactions commerciales avec M. Gertler. Toute personne, physique ou morale, non américaine, s’expose elle-même à des sanctions si elle réalise des transactions avec Dan Gertler ou ses entités.

Le rapport des deux organisations montrait l’existence potentielle d’un système apparemment conçu pour dissimuler des versements et dépôts pouvant aller jusqu’à plusieurs millions de dollars. Ce système aurait permis à M. Gertler de continuer à tirer d’énormes profits de ses activités commerciales en République Démocratique du Congo (RDC), malgré les sanctions. L’enquête s’est en partie fondée sur des documents produits par des lanceurs d’alerte dont l’anonymat a été préservé.

Avant même la publication de ce rapport, les deux organisations et certains des journalistes ayant participé aux enquêtes, ont fait l’objet de ce qui s’apparente à une véritable campagne de représailles qui s’est accentuée après la mise en ligne du rapport.

Le président de PPLAAF, William Bourdon, a annoncé avoir fait l’objet d’un véritable chantage diligenté par les avocats de M. Dan Gertler dans le but de pousser l’association à ne pas publier le rapport. Le journaliste de Haaretz Gur Megiddo a indiqué avoir reçu des menaces verbales de M. Dan Gertler pour tenter de l’empêcher de publier son article.

La veille de la publication du rapport, le 1er juillet, la principale banque visée par les enquêtes, Afriland First Bank RDC, a déposé plainte contre PPLAAF et Global Witness devant le parquet de Paris. La plainte porte des accusations très graves, à l’encontre des deux associations. Elle fait suite à une menace faite par l’homme d’affaires sanctionné par l’intermédiaire de ses avocats, notamment le cabinet londonien Carter Ruck, qui ont expressément évoqué la possibilité de déposer une telle plainte pénale, le 11 juin 2020.

Cette plainte s’est accompagnée d’une campagne outrancière de dénigrement des deux associations sur les réseaux sociaux. Des dizaines de vidéos ont pullulé sur Twitter reprochant aux associations toutes sortes d’accusations, notamment d’être des organisations «   criminelles  » ou encore d’être à la solde de «  George Soros  » pour aider ce dernier, avec son réseau, à prendre le contrôle des mines congolaises. Bien que personne n’ait pris la responsabilité pour cette campagne diffamatoire, certains des éléments diffusés sur les réseaux sont des enregistrements que M. Gertler et ses représentants avaient menacé de publier en cas de publication du rapport.

Au même moment, en Israël, Avigdor Liebermann, ancien ministre de la Défense mentionné dans l’article de Haaretz, a annoncé le 1er juillet 2020, avoir déposé plainte contre deux journalistes de Haaretz devant le «  Israeli press council  ». Bien que M. Liebermann ait le droit d’agir ainsi, la temporalité de sa plainte suggère qu’il a agi dans le cadre d’un effort plus large de distraire l’attention du contenu même de l’article. Le 21 juillet 2020, Dan Gertler a assigné en justice Haaretz pour diffamation, en exigeant une indemnisation de 8 millions de shekels (environ 2 millions d’euros).

En France, le 2 octobre 2020, Me Emmanuel Daoud, avocat de Dan Gertler, Me Eric Moutet, avocat d’Afriland Bank RDC et Me Patrick Klugman, avocat de deux individus visés par l’enquête (MM. Elie Berros et Ruben Katsobashvili), ont annoncé avoir déposé trois plaintes avec constitution de partie civile en diffamation contre PPLAAF et Global Witness devant le doyen des juges d’instruction de Paris.

«  Une fois de plus, ces attaques démontrent que lorsque des ONG mènent des enquêtes importantes pour l’intérêt général et portant sur des allégations de graves abus, la première réaction des personnes impliquées consiste à prendre des mesures de rétorsion. Il s’agit d’une stratégie orchestrée et concertée pour décrédibiliser la substance du rapport en attaquant ses auteurs, voire pour tenter de les réduire au silence et à la faillite  », ont déclaré Anna Myers, directrice exécutive du Whistleblowing International Network (WIN) et Jean-Philippe Foegle, chargé de la coordination et du plaidoyer à la Maison des Lanceurs d’Alerte.

Ces procédures-bâillons doivent cesser – le système judiciaire ne doit pas pouvoir être manipulé pour aider ceux qui commettent des abus à ne pas avoir à rendre des comptes.

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