Lettre ouverte
Kinshasa, Kisangani, Genève et Paris, le 1er novembre 2024,
A :
Félix Tshisekedi
Président de la République
Palais de la Nation, Avenue Roi Baudoin, Kinshasa/Gombe
cabinet@presidentrdc.cd
CC :
Judith Suminwa Tuluka
Première Ministre
05, Avenue Roi Baudouin, Kinshasa/Gombe R.D.Congo
cabinet@primature.cd
Tél : +(243) 81 555 56 67 ; (+243) 81 555 55 81 (fax)
Constant Mutamba
Ministre de la Justice et garde des Sceaux
ministre@justice.gouv.cd
Tél. : + (243) 81 416 83 25
Chantal Chambu Mwavita
Ministre des droits humains
ministre@droits-humains.gouv.cd
Tél. : + (243) 897 204 532, + (243) 850 996 679
Vital Kamerhe
Président de l’Assemblée nationale
Assemblée nationale, Palais du Peuple, Coin avenue des Huilerés et boulevard triomphal, Commune de Lingwala, Kinshasa
contact@assemblee-nationale.cd
Tél: + (243) 99 090 32 73; +(243) 89 767 71 84
Sama Lukonde
Président du Sénat
Sénat, Palais du Peuple, Coin avenue des Huilerés et, boulevard triomphal, Commune de Lingwala, Kinshasa R.D.Congo
sec.general@senat.cd; sgrdcsenat@gmail.com
Tél: +(243) 99 184 74 77, +(243) 81 637 13 02
CC :
Mary Lawlor
Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme
hrc-sr-defenders@un.org
Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires
ohchr-wgeid@un.org
Rémy Ngoy Lumbu
Rapporteur Spécial de l’Union africaine sur les défenseurs des droits de l’Homme
remyngol@gmail.com
Paul Nsapu
Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme « CNDH – RDC »
1er étage ex. Immeuble Kisombe, 04 avenue Lokele, Commune de la Gombe, RDC
Tél. : +(243) 81 898 82 61
Excellence Monsieur le Président de la République,
Vivement préoccupées par la disparition forcée de Messieurs Jacques Sinzahera et Gloire Saasita,les organisations non gouvernementales nationales et internationales signataires vous adressent cette lettre ouverte pour exiger la libération immédiate des deux défenseurs des droits humains.
Voilà maintenant trois mois que Jacques Sinzahera, membre du Mouvement citoyen « Amka Congo » (« Lève-toi Congo ») et Gloire Saasita, membre du mouvement citoyen « Génération positive », ont été arbitrairement arrêtés à Goma le 1er aout 2024 du fait de leur dénonciation des taxes prélevées dans le contexte de l’état de siège et des conséquences des conflits armés sur la population civile lors d’un point de presse.
Arrêtés sans mandat puis détenus sur instruction de Monsieur Peter Cirimwami, Gouverneur militaire du Nord-Kivu, leur famille et leurs avocats ignorent le sort des deux défenseurs depuis le 10 août 2024, date de leur transfert à l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) à Kinshasa. 90 jours après leur arrestation, Jacques Sinzahera et Gloire Saasita, n’ont toujours pas été présentés à une autorité judiciaire, et n’ont eu ni accès à un avocat, ni le droit à une visite familiale au détriment des engagements nationaux et internationaux de la RDC.
Les organisations signataires tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sur leur disparition forcée qui accroit leurs risques d’être torturés, maltraités, voire exécutés de manière extrajudiciaire par les agents de l’ANR, dont la pratique régulière voire systématique de la torture est désormais notoire. Dans le contexte de l’état de siège tout particulièrement, les défenseurs des droits et mouvements citoyens subissent une répression sévère en raison de leur travail légitime de défense des droits humains. Human Rights Watch avait pourtant déjà alerté sur l’utilisation de l’état de siège par le gouvernement congolais pour restreindre la liberté d’expression et d’opinion de manière abusive. Jacques Sinzahera et Gloire Saasita semblent finalement être la cible d’une politique globale de répression que mène l’État à l’encontre des voix critiques de l’état de siège.
Excellence Monsieur le Président de la République,
L’article 15 de la Loi n°023/027 relative à la protection et à la responsabilité du Défenseur des droits de l’homme que vous avez promulguée le 15 juin 2023 dispose clairement que : « L’État veille à ce que les violations commises contre le défenseur des droits de l'homme à l'occasion de l'exercice de ses activités soient punies conformément aux lois et règlements en vigueur ». Au niveau international également, vous vous êtes engagé à protéger les droits des défenseurs des droits humains lors de l’examen périodique universel de la RDC en 2019, ainsi que dans votre human rights pledge de 2023 à l’occasion de l’anniversaire des 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
C’est à ce titre que nous vous écrivons directement à la suite du courrier resté sans réponse adressé par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (OMCT-FIDH) le 10 septembre 2024 à l’Administrateur Général de l’ANR, Monsieur Justin Inzun Kakiak, et à l’Auditeur Général des Forces armées de la RDC, Monsieur Lucien-René Likulia Bakumi, les appelant à révéler le sort de Jacques Sinzahera et de Gloire Saasita.
Nous vous prions donc, en qualité de garant du bon fonctionnement de toutes les institutions :
- D’ordonner à l’ANR ou à toute autre entité qui détiendrait les deux défenseurs des droits humains, de révéler le sort et de libérer immédiatement Messieurs Jacques Sinzahera et Gloire Saasita ;
- De garantir le contrôle du respect des droits garantis par la Constitution et les Lois de la République aux personnes privées de liberté dans les cachots des services de renseignements ;
- D’ordonner, de toute urgence, des mesures garantissant le respect des droits fondamentaux de Messieurs Jacques Sinzahera et Gloire Saasita et de tous les défenseurs des droits humains détenus incommunicado par les services de renseignements.