Paris-Genève, le 23 décembre 2021 – À la mi-décembre, en l’espace de trois jours, les journalistes Ferdinand Mensah Ayité, Joël Vignon Egah et Isidore Kouwonou et l’activiste de la société civile Fovi Katakou ont été arbitrairement arrêtés pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Si Isidore Kouwonou et Fovi Katakou ont été libérés depuis, Ferdinand Mensah Ayité et Joël Egah sont quant à eux toujours détenus. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) et Tournons La Page condamnent la détention arbitraire des deux journalistes et appellent les autorités togolaises à les libérer immédiatement.
Le 9 décembre 2021, Ferdinand Mensah Ayité, directeur de publication du journal L’Alternative, bihebdomadaire d’information et d’investigation engagé dans la dénonciation de la corruption et la documentation des violations des droits humains au Togo, a été convoqué à la Brigade de Recherches et d'Investigations (BRI) à Lomé avant d’être arrêté et placé sous mandat de dépôt pour avoir tenu des propos critiques envers deux ministres du gouvernement togolais lors de l'émission « L'autre journal » diffusée sur Youtube le 30 novembre 2021. Au cours de cette émission, les journalistes ont notamment dénoncé l’injustice que les deux ministres répandent selon eux au Togo, et ont critiqué le pass vaccinal et la corruption dans le pays.
Le 10 décembre 2021, journée internationale des droits humains, Joël Vignon Egah, directeur de publication du journal Fraternité, et Isidore Kouwonou, rédacteur en chef du journal L'Alternative et Secrétaire général du Syndicat des journalistes indépendants du Togo (SYNJIT), ont été auditionnés à leur tour pour leur participation à la même émission. À l’issue de ces auditions, Isidore Kouwonou, qui assurait le rôle de modérateur de l’émission, a été placé sous contrôle judiciaire et remis en liberté alors que Joël Egah a été arrêté et placé sous mandat de dépôt.
Les trois journalistes sont poursuivis pour « outrage à l’autorité » (article 490 du Code de procédure pénale togolais), « diffamation » (article 290 du Code pénal togolais) et « incitation de la haine de l’autorité ». Ferdinand Ayité et Joël Egah sont actuellement détenus dans les locaux de la BRI et risquent jusqu’à deux ans de prison et 1 million de francs CFA (environ 1 520 Euros) d’amende.
L’Observatoire et Tournons La Page rappellent que ce n’est pas la première fois que Ferdinand Ayité fait l’objet de poursuites et d’actes de harcèlement en raison de son travail de journaliste et de l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression. À titre d’exemple, en novembre 2020, Ferdinand Ayité et le journal L’Alternative ont été condamnés à payer une amende après avoir été reconnus coupables de diffamation suite à la publication d’un article révélant une affaire de détournement massif de fonds dans le secteur pétrolier togolais. De plus, début 2021, le journal L’Alternative a été suspendu pendant quatre mois suite à de nouvelles accusations de publication de fausses informations.
Les deux organisations notent également avec inquiétude que cette arrestation intervient cinq mois après que le nom de Ferdinand Ayité a été cité parmi les personnes placées sous surveillance à l’aide du logiciel espion Pegasus.
Par ailleurs, le 11 décembre 2021, l’activiste pro-démocratie Fovi Katakou, membre de Tournons La Page Togo, a été arrêté par une escouade de la gendarmerie nationale lourdement armée à son domicile. Il a été conduit au Service central de recherches et d'enquête où il a été placé en garde à vue et interrogé avant d’être déféré à la Prison civile de Lomé le jeudi 14 décembre 2021. Les gendarmes ont également saisi tous les instruments de sonorisation servant à ses activités ainsi que son téléphone. Il est accusé d’« apologie de crimes et délits » (article 552 du Code pénal togolais) et « incitation à la révolte contre l’autorité de l’État » (article 495 du même Code) en relation avec une publication Facebook en date du 10 décembre 2021 dans lequel il alerte sur les problèmes d’insécurité, d’injustice et de manque d’infrastructures au Togo. Pour cela il risque jusqu’à cinq ans de prison et 20 millions de francs CFA (environ 30 460 Euros) d’amende. Le 20 décembre 2021 au soir, M. Katakou a été placé en liberté conditionnelle et reste sous contrôle judiciaire.
L’Observatoire et Tournons La Page dénoncent avec fermeté l’escalade de la répression à l’encontre des défenseurs des droits humains et des personnes qui exercent pacifiquement leur droit à la liberté d’expression au Togo.
Les deux organisations exhortent les autorités togolaises à libérer immédiatement et inconditionnellement Ferdinand Ayité et Joël Egah, leur détention étant arbitraire en ce qu’elle ne semble viser qu’à les punir pour leurs activités légitimes de défense des droits humains, et à abandonner toutes les charges à leur encontre ainsi qu’à l’encontre d’Isidore Kouwonou et Fovi Katakou, et de toutes les personnes défendant les droits humains dans le pays.
L’Observatoire et Tournons La Page appellent enfin les autorités togolaises à garantir le droit à la liberté d’expression dans le pays, tel que consacré dans plusieurs instruments internationaux de protection des droits humains, et notamment à l’article 19 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et à l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, textes ratifiés par le Togo respectivement en 1984 et 1982.
Signatories
Tournons La Page est un mouvement international, réunissant plus de 250 organisations des sociétés civiles africaines soutenues par des organisations européennes dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique. Le mouvement mène des actions pacifiques et non partisanes. Créé en 2014, Tournons La Page regroupe des coalitions dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, République Démocratique du Congo, Tchad et Togo).