L’Observatoire a été informé de la détention au secret, de la garde à vue et du placement en liberté provisoire de Mme Samira Sabou, journaliste indépendante, administratrice du site MIDES (Magazine d'information sur le Développement Economique et Social), blogueuse et présidente de l'Association des Blogueurs pour une Citoyenneté Active (ABCA), qui poste régulièrement des informations et des analyses sur la situation au Niger sur sa page Facebook.
Le 30 septembre 2023, vers 18 heures, trois hommes en civil non identifiés, se présentant comme des membres des services de sécurité, ont enlevé Samira Sabou au domicile de sa mère à Niamey, l’ont encagoulée, ont saisi son téléphone portable et l’ont emmenée de force vers une destination inconnue dans un véhicule non identifié.
Sa famille et ses avocats, cherchant à localiser la journaliste, ont contacté la police judiciaire de Niamey, qui a nié l’avoir arrêtée. Le 4 octobre 2023, après plus de 72h sans nouvelles de Samira Sabou, et sans qu’aucune autorité ne reconnaisse son arrestation, ses avocats ont introduit une plainte contre X auprès du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey pour «enlèvement, séquestration et détention arbitraire».
Le 7 octobre 2023, après avoir été détenue au secret pendant huit jours, prétendument dans les locaux des services nigériens de la sécurité extérieure (DGDSE), ce qui fait craindre des actes de torture et de mauvais traitements à son encontre pendant cette période, Samira Sabou a été localisée dans les locaux de la police judiciaire de Niamey, où elle a été placée en garde à vue pour y être auditionnée, sans que les charges à son encontre ne soient connues. La veille de son enlèvement, Samira Sabou avait partagé sur sa page Facebook un document confidentiel concernant les mutations de certains officiers de l’armée nigérienne, ce qui pourrait, selon ses proches, être à l’origine de son arrestation.
Le 11 octobre 2023, Samira Sabou a été présentée au juge du Tribunal de Niamey, qui a ordonné son placement en liberté provisoire dans l’attente des suites de l’enquête ouverte à son encontre pour « production et diffusion de données de nature à troubler l'ordre public ».
L’Observatoire rappelle que ce n’est pas la première fois que Samira Sabou est poursuivie pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression dans le cadre de ses fonctions de journaliste. Le 4 août 2023, la journaliste avait reçu des intimidations de la part d’un membre de l’armée nigérienne, pour avoir partagé un message de Mohamed Bazoum, l’ancien président renversé par la junte militaire le 26 juillet 2023. En janvier 2022, la Haute Cour de Niamey a condamné Samira Sabou à un mois de prison avec sursis et une amende pour « diffamation par un moyen de communication électronique » pour avoir diffusé une enquête sur le trafic de drogue au Niger. En 2020, elle avait été détenue arbitrairement pendant 48 jours et poursuivie pour diffamation par le fils de l’ancien président du Niger pour des propos qu’elle n’avait pas tenus, avant d’être relaxée.
L’Observatoire condamne fermement la détention au secret pendant huit jours de Samira Sabou, et enjoint la junte militaire au pouvoir au Niger à faire la lumière sur le sort qui lui a été réservé durant cette période et à l'indemniser pour les dommages subis.
L’Observatoire condamne par ailleurs la poursuite du harcèlement judiciaire de Samira Sabou, qui ne semble viser qu’à la punir pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression en tant que journaliste, et appelle la junte militaire au pouvoir au Niger à y mettre fin immédiatement et à abandonner toutes les charges à son encontre.
L’Observatoire appelle également la junte militaire au pouvoir au Niger à garantir le droit à la liberté d’expression, tel que consacré par les standards internationaux relatifs aux droits humains, et particulièrement à l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, et à l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.
How You Can Help
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux membres de la junte militaire actuellement au pouvoir au Niger en leur demandant de :
- Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Samira Sabou et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Niger ;
- Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur l’enlèvement et la détention au secret de Samira Sabou afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et l’indemniser pour les dommages subis ;
- Abandonner les charges et mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de Samira Sabou et à celle de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Niger, et s’assurer qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits humains sans entrave ni crainte de représailles.
Addresses
- Général de Brigade Abdourahamane Tchiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Email : communication@presidence.ne ; Twitter : @PresidenceNiger, @NIGER_CNSP
- M. Alio Daouda, Ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux du Niger, Email : ministere.justice@justice.gouv.ne, Twitter : @ministere_niger
- Secrétariat de la Commission Nationale des droits humains du Niger, Email : contact@cndh-niger.org, Twitter : @cndhniger
- S.E. M. Alhassane Idé, Ambassadeur, Mission permanente du Niger auprès de l’Union européenne, Email : info@ambaniger-bruxelles.be, ambassadedunigerbelgique@yahoo.be
- S.E. M. Laouali Labo, Représentant permanent du Niger, Mission permanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, Email : missionduniger1@gmail.com
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.