Urgent Appeal

Mali : harcèlement judiciaire et poursuite de la détention arbitraire de « Ras Bath » et « Rose la Vie Chère »

16-12-2025

L’Observatoire a été informé du harcèlement judiciaire et de la poursuite de la détention arbitraire de M. Mohamed Youssouf Bathily, alias « Ras Bath », et de Mme Sidibé Rokia Doumbia, alias « Rose la Vie Chère ». M. Mohamed Youssouf Bathily est chroniqueur, animateur de radio et leader du Collectif pour la défense de la République (CDR). Mme Sidibé Rokia Doumbia est une défenseure des droits économiques et sociaux, militante contre la vie chère au Mali.

Le 25 novembre 2025, à l’issue d’une audience à huis clos, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bamako a instruit en second degré les dossiers de Mohamed Youssouf Bathily et de Sidibé Rokia Doumbia et décidé de rendre sa décision le 16 décembre 2025.

Au moment de la publication de cet appel urgent, Sidibé Rokia Doumbia et Mohamed Youssouf Bathily sont respectivement détenu·es dans les prisons de Dioila et de Kénioroba, situées à environ 130km et à 65km de la capitale, Bamako.

Comme documenté par l’Observatoire dans son rapport « Espace civique et défenseur.es des droits humains au Sahel – Convergence régionale des pratiques de répression », Mohamed Youssouf Bathily et Sidibé Rokia Doumbia sont en détention arbitraire depuis deux ans et neuf mois, poursuivi·es pour « association de malfaiteurs » (article 242-82 du Code pénal) et « atteinte au crédit de l’Etat », des accusations passibles de 5 à 20 ans de prison selon le Code pénal malien.

L’Observatoire rappelle ainsi que le 13 mars 2023, Mohamed Youssouf Bathily a été interpellé par le Commissariat de Police du 5ème arrondissement de Bamako après le dépôt d’une plainte par le Collectif pour la défense des militaires (CDM), après qu’il a déclaré que l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga, mort en détention le 21 mars 2022, avait été « assassiné ». M. Bathily a été présenté au juge du Tribunal de Grande instance de la commune IV et placé sous mandat de dépôt le même jour pour « simulation d’infraction ». Il a été jugé le 11 juillet 2023 et relaxé, mais à la suite de l’appel du parquet, il a été condamné en mars 2024 à 18 mois de prison dont 9 mois avec sursis. Alors qu’il aurait dû sortir de prison après le verdict étant donné qu’il avait purgé sa peine, M. Bathily a passé trois mois et demi supplémentaires en détention arbitraire. Selon ses avocats, un nouveau mandat de dépôt a été pris à son encontre le 28 mars 2024, sur la base du même procès verbal pour de nouveaux chefs d’accusation « d’association de malfaiteurs » (article 242-82 du Code pénal), « atteinte au crédit de l’État pris dans ses institutions et gouvernants par le biais du système d’information » (article 241-1 du Code pénal) et « crime à caractère régionaliste, religieux et raciste » (article 241-1 du Code pénal). Ces infractions sont plus graves que les premières mais sont relatives aux mêmes faits que ceux pour lesquels il avait été condamné en juillet 2023, ce qui contrevient au principe de non bis in idem selon lequel nul ne peut être jugé plusieurs fois pour les mêmes faits, contenu à l’article 7 du Code de procédure pénale du Mali, et à l’article 14 alinéa 7 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En août 2024, il a été entendu sur le fond avant que sa demande de mise en liberté, introduite le 11 octobre 2024, ne soit finalement rejetée par la justice le 31 octobre 2024.

L’Observatoire rappelle également que le même 13 mars 2023, Sidibé Rokia Doumbia a été interpellée par la police du 5ème arrondissement de Bamako après avoir dénoncé, à travers une vidéo publiée sur le réseau social TikTok, la vie chère et les coupures d’électricité tout en qualifiant la transition politique d’« échec ». Après 48 heures de garde à vue, elle a été présentée au Procureur chargé de la cybercriminalité, Idrissa Touré, le 15 mars 2023, qui l’a aussitôt placée sous mandat de dépôt à la prison pour femmes et mineurs de Bollé à Bamako pour « incitation à la révolte » (article 242-6 du Code pénal), « trouble à l’ordre public par l’usage des technologies de l’information et de la communication » (article 242-6 du Code pénal) et « offense et outrage envers le chef d’État » (article 242-54 du Code pénal). Le 3 mai 2023, elle devait bénéficier d’une libération sous caution après avoir payé un million de francs CFA (environ 1,500 Euros). Cependant, avant qu’elle ne sorte de prison, sur l’initiative du procureur et après sa présentation au juge d’instruction du tribunal de la commune IV de Bamako, le 29 mars 2023, ce dernier a décidé d’un nouveau mandat de dépôt à son encontre pour une nouvelle charge d’« association de malfaiteurs » (article 242-82 du Code pénal), « atteinte au crédit de l’État pris dans sa gouvernance judiciaire et politique » (article 242-1 du Code pénal). Le 2 août 2023, Sidibé Rokia Doumbia a été condamnée en première instance à un an de prison ferme et à une amende d’un million de francs CFA (environ 1,500 Euros) pour « incitation à la révolte et trouble à l’ordre public par l’usage des technologies de l’information et de la communication », avant de bénéficier d'une relaxe pour ces chefs d’accusation devant la Cour d’appel en juillet 2024. Elle est restée détenue pour le deuxième lot de chefs d’accusation d’« association de malfaiteurs».

Selon leurs avocats qui ont demandé leur acquittement, les infractions retenues contre Mohamed Youssouf Bathily et Sidibé Rokia Doumbia sont « fantaisistes ». Les deux défenseur·es, si reconnu·es coupables, risquent une peine d’emprisonnement allant de cinq à 20 ans de prison.

L’Observatoire rappelle que ces poursuites s’inscrivent dans une vaste politique de restriction croissante de l’espace civique et d’attaques à l’encontre des défenseur·es des droits humains au Mali depuis le coup d’État de mai 2021.

L’Observatoire dénonce le harcèlement judiciaire et la poursuite de la détention arbitraire de Mohamed Youssouf Bathily et Sidibé Rokia Doumbia. Les charges à leur encontre illustrent le caractère politique de ce procès, et ne visent qu’à les réprimer pour leurs actions légitimes de défense des droits humains, et à censurer toute voix dissonante au Mali.

L’Observatoire exhorte la justice malienne à faire preuve d’indépendance en libérant immédiatement et sans conditions Sidibé Rokia Doumbia et Mohamed Youssouf Bathily, ainsi que tou.tes les défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es dans le pays, et en abandonnant toutes les charges à leur encontre.

L’Observatoire appelle également les autorités militaires au pouvoir au Mali à garantir les droits à la liberté d’expression et d’opinion, tels que consacrés à l’article 14 de la Constitution du Mali, ainsi que par les standards internationaux relatifs aux droits humains, et particulièrement les articles 19 et 22 du PIDCP, et les articles 9 et 10 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ainsi que la Constitution malienne.

How You Can Help

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Sidibé Rokia Doumbia, Mohamed Youssouf Bathily et de tou·tes les défenseur·es des droits humains au Mali ;
  2. Libérer immédiatement et sans conditions Sidibé Rokia Doumbia, Mohamed Youssouf Bathily et tou·tes les défenseur·es des droits humains au Mali ;
  3. Mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de Sidibé Rokia Doumbia, Mohamed Youssouf Bathily et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains dans le pays, et veiller à ce qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits de humains en toutes circonstances, sans entrave ni crainte de représailles ;
  4. Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect des droits à la liberté d’expression et d’opinion, tels que garantis par le droit international des droits humains, en particulier par les articles 19 et 22 du PIDCP, auquel le Mali est partie.

Addresses

 

  • Colonel Assimi Goita, Président de la Transition au Mali, Email : presidencemali@koulouba.ml, X : @GoitaAssimi, @PresidenceMali
  • Abdoulaye Maiga, Premier Ministre, Email : contact@primature.gouv.ml, abkone79@yahoo.fr, X : @Gal_Abd_Maiga
  • Mahamadou Kassogué, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ; Garde des Sceaux, Email: pegnin@yahoo.fr
  • Colonel Major Ismaël Wagué, Ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix Réconciliation nationale, Email : mrpcn32@gmail.com
  • Colonel Major Daouda Aly Mohammedine, Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Email: https://securite.gouv.ml/ecrire-au-ministre/
  • Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, Email : maeci.courrier@diplomatie.gouv.ml, X : @AbdoulayeDiop8
  • Commission Nationale des droits humains du Mali, Email : dralkadri@yahoo.fr, X : @MaliCndh
  • Mission permanente de la République du Mali auprès du Royaume de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume-Uni et Représentation permanente auprès de l’Union européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique, Email : info@amba-mali.be
  • Abdoulaye Tounkara, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Mali auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Email : info@missionmali.ch

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Mali dans vos pays respectifs.

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