Urgent Appeal

Burkina Faso : Enlèvement et disparition forcée du Dr Daouda Diallo

04-12-2023

L’Observatoire a été informé de l’enlèvement et de la disparition forcée du Dr Daouda Diallo, pharmacien et défenseur des droits humains. Le Dr Diallo est le fondateur et le secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés au Burkina Faso (CISC). Il est également lauréat 2022 du Prix Martin Ennals pour les défenseur·es des droits humains. Le CISC documente et dénonce depuis 2019 les violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit qui sévit au Burkina Faso depuis 2015, et lutte contre la stigmatisation des communautés dans le pays.

Le 1er décembre, entre 16h et 17h, le Dr Daouda Diallo a été enlevé par sept individus en civil non identifiés à Ouagadougou, dans le parking de la Sûreté, service des passeports à Goughin, où il s’était rendu dans la matinée pour solliciter le renouvellement de son passeport. Sous prétexte que le commissaire était absent, il lui a été demandé de revenir après 14h. Suite à l’appel d’un agent de la Sûreté l’invitant à se présenter à 15h pour rencontrer le chef de service, le Dr Diallo a été reçu par un commissaire avec qui il s’est longuement entretenu. À sa sortie, et avant d’embarquer dans son véhicule garé au parking des locaux de la Sûreté, il a été interpelé par des individus en civil qui lui ont demandé s’il s’agissait de son véhicule et lui ont demandé de les suivre. Il a finalement été enlevé et conduit manu militari à bord d’un véhicule non identifié vers une destination inconnue. Ce modus operandi est proche de celui utilisé par l’Agence Nationale des Renseignements du Burkina Faso, ce qui fait craindre que le Dr Daouda Diallo soit soumis à une détention au secret.

Au moment de la publication de cet appel urgent, le sort et le lieu où se trouvait le Dr Daouda Diallo étaient toujours inconnus et malgré les recherches, sa famille et son organisation restaient sans nouvelles de sa part.

Le Dr Daouda Diallo, à l’instar de Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, membres du Balai citoyen, Issaka Lingani et Yacouba Ladji Bama, journalistes, et Gabin Korbéogo, secrétaire général de l'Organisation démocratique de la Jeunesse du Burkina Faso, figure sur la liste des personnes réquisitionnées début novembre 2023 pour se rendre sur le théâtre des opérations anti-terroristes, dans le cadre de l’application du « Décret portant mobilisation générale et mise en garde », adopté par les autorités burkinabè en avril 2023. Cependant, cette décision, que lui et les autres personnes réquisitionnées tentent de contester devant la justice burkinabè, ne lui a jamais été notifiée.

Un collectif d’avocats a saisi le tribunal administratif de Ouagadougou aux fins d’annulation des réquisitions pour « détournement de pouvoir ». Le 20 novembre 2023, leur requête en suspension desdites réquisitions a été rejetée et le tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur le fond. En attendant une éventuelle procédure parallèle visant à statuer sur la légalité ou non de ces réquisitions, le collectif d’avocats a demandé un « référé liberté ». Le tribunal devait se prononcer sur ladite requête le 1er décembre 2023 mais a finalement décidé de reporter l’audience au 6 décembre 2023 à la demande de l’Agent judiciaire de l’État.

L’Observatoire rappelle qu’en raison de leur travail de défense des droits humains, le Dr Docteur Diallo et d’autres défenseur·es du Burkina Faso font régulièrement l’objet de nombreuses menaces, de messages de haine, d’incitations à la violence et d’atteintes à leur vie privée.

L’Observatoire condamne fermement l’enlèvement et la disparition forcée du Dr Daouda Diallo, qui lui fait courir un risque sérieux de subir des actes de torture et de traitements inhumains et dégradants.

L’Observatoire enjoint la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso à tout mettre en œuvre afin que le sort et la localisation du Dr Daouda Diallo soient connus, qu’il soit libéré de façon immédiate et inconditionnelle et que toute la lumière soit faite sur son enlèvement et sa séquestration.

L’Observatoire condamne également le recours systématique à l’enrôlement forcé comme supplétifs de l'armée (VDP) et l’utilisation des réquisitions comme arme de musellement et d’attaque des défenseur·es. Ces actes, portant un coup sévère à la liberté d’expression au Burkina Faso où l’espace civique est drastiquement réduit depuis l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration II (MPSR II) suite au coup d’État d’Ibrahim Traoré en septembre 2022, constituent des violations flagrantes des textes régionaux et internationaux en matière de droits humains. Plusieurs organisations de la société civile du Burkina Faso se sont indignées de l’utilisation des réquisitions comme arme de musellement et d’attaque contre les défenseurs des droits humains et des voix discordantes.

L’Observatoire appelle également la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso à garantir le droit à la liberté d’expression, tel que consacré par les standards internationaux relatifs aux droits humains, et particulièrement à l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, et à l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

How You Can Help

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux membres de la junte militaire actuellement au pouvoir au Burkina Faso en leur demandant de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique du Dr Daouda Diallo et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Burkina Faso ;
  2. Tout mettre en œuvre pour que le sort du Dr Daouda Diallo et le lieu où il se trouve soient révélés, et qu’il soit libéré ;
  3. S’abstenir d’envoyer le Dr Daouda Diallo sur le front compte tenu des risques élevés d’insécurité auxquels il sera exposé en raison de son travail de défenseur ;
  4. Mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente sur l’enlèvement et la disparition forcée du Dr Daouda Diallo afin d’identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ;
  5. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre du Dr Daouda Diallo et à celle de l’ensemble des défenseur·es des droits humains et de leur famille au Burkina Faso, et s’assurer qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits humains sans entrave ni crainte de représailles ;
  6. Abroger le «Décret portant mobilisation générale et mise en garde » ou arrêter son application discriminée et ciblée pour s’en servir comme un outil de représailles contre les opinions critiques.

Addresses

  • Capitaine Ibrahim TRAORE, Président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration II (MPSR II), Twitter : @CapitaineIb22
  • Me Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, Premier Ministre du Burkina Faso, Twitter : @AppolinaireJoa
  • M. Edasso Rodrigue Bayala, Ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, Garde des sceaux du Burkina Faso, Email : info@justice.gov.bf;
  • SEM Ragnaghnèwendé Olivia ROUAMBA, Ministère des Affaires Étrangères, de la Coopération Régionale et des Burkinabè de l’Extérieur; E-mail: mae@diplomatie.gov.bf ; Twitter : @rouamba_oliviaS.E.
  • Commission Nationale des droits humains du Burkina Faso, Email : cndh@cndhburkina.bf , Twitter : @BurkinaCndhX
  • M. Dieudonné W. Désiré Sougouri, Mission permanente du Burkina Faso auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Email :secretariat@missionburkinafaso-ch.org /info@ambaburkinafaso-ch.org
  • Monsieur Seydou SINKA, Conseiller des affaires étrangères, Ambassadeur, Représentant permanent du Burkina Faso auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York (Etats Unis d’Amérique), Mission Permanente Du Burkina, Email : bfapm@un.int
  • Ambassade Mission Permanente du Burkina Faso auprès de l’Union Africaine à Addis Abeba, Éthiopie / Email: ambaburkina.addis@diplomatie.gov.bf / Ambaburkina.addis@gmail.com ;

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burkina Faso dans vos pays respectifs.

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