Paris-Genève, le 16 novembre 2022 – Le Conseil d’État algérien est sur le point de se prononcer de manière définitive sur la dissolution du Rassemblement Actions Jeunesse. À la veille de l’annonce du verdict, l’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains (FIDH-OMCT) réitère son soutien à l’association et exhorte les autorités algériennes à annuler la décision de dissolution du RAJ et à mettre un terme au harcèlement des organisations de la société civile et des défenseur.es des droits humains dans le pays.
Le 17 novembre 2022, le Conseil d’État algérien se prononcera en dernier ressort sur la dissolution de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ). Cette audience fait suite à un appel déposé au mois d'avril 2022 par les avocats du RAJ auprès du Conseil d’État contre le jugement de première instance du Tribunal administratif d'Alger du 13 octobre 2021 ordonnant la dissolution de l’association. La dissolution du RAJ avait été décidée suite à une procédure judiciaire engagée à l’encontre de l’association par le Ministère de l’Intérieur et des collectivités locales algérien cinq mois auparavant. Le 26 mai 2021, ce dernier avait déposé une requête auprès du tribunal administratif d’Alger en vue d’obtenir la dissolution de l’association, au motif que ses activités étaient contraires aux objectifs énumérés par la Loi 12/06 relative aux associations ainsi qu’aux objectifs énumérés dans les statuts mêmes de l’organisation.
La décision de dissolution du RAJ prononcée en première instance est arbitraire en ce que les activités dénoncées par le Ministère de l'Intérieur sont des activités ordinaires et publiques que l’association a menées durant le mouvement populaire du Hirak, en conformité avec ses statuts, et pour lesquelles le RAJ n'avait reçu aucun avertissement ou mise en demeure préalables. De plus, cette décision a mis en exergue l’instrumentalisation de la Loi 12/06 par le pouvoir algérien, qualifiée par beaucoup d’organisations de la société civile de loi liberticide en raison du pouvoir discrétionnaire donné aux autorités sur la gestion des associations. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a appelé les autorités algériennes à réviser cette loi qu’il qualifie de répressive, afin de la mettre en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, tous deux ratifiés par l'Algérie.
Le RAJ est une association nationale de jeunes créée en décembre 1992 et agrée le 16 mars 1993, engagée sur le terrain en faveur des jeunes et qui milite pour la citoyenneté, la liberté, la démocratie et le respect des droits humains et de l’État de droit en Algérie. L’organisation s’est positionnée publiquement en soutien au mouvement populaire et pacifique du Hirak dès ses prémices, appelant à un changement démocratique dans le pays.
Alors que la Constitution algérienne reconnaît dans son préambule le Hirak pacifique comme moment « d’édification d’une Algérie nouvelle », en raison de l’engagement du RAJ dans ce mouvement de protestation pacifique en février 2019, cette association et ses membres sont la cible d’un harcèlement judiciaire continu de la part des autorités algériennes. Au total, 13 membres du RAJ ont été poursuivis en justice dont dix ont été détenus arbitrairement pour avoir mené à bien les activités ordinaires de l’association et exprimé pacifiquement leurs opinons, notamment en ligne.
L’Observatoire exprime sa profonde inquiétude quant à la perspective de la dissolution définitive du RAJ, qui constituerait un dangereux précédent, en portant une atteinte démesurée au droit à la liberté d’association, et constituerait une attaque contre la société civile algérienne dans son ensemble.
L’Observatoire appelle le Conseil d’État algérien à annuler la décision de dissolution du RAJ prise en première instance et à rendre toute sa légitimité à l’association afin que celle-ci puisse mener ses activités en toute liberté.
L’Observatoire appelle les autorités algériennes à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre du RAJ, de ses membres et de toutes les personnes et organisations défendant les droits humains dans le pays. L’Observatoire appelle également les autorités algériennes à mettre fin à l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire et à en garantir l’indépendance. L’Observatoire appelle enfin les autorités algériennes à se conformer à leurs engagements internationaux en matière de droits humains et à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’association, consacré notamment à l’Article 22 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.