L’Observatoire a été informé de l’arrestation et détention arbitraire et incommunicado, des actes de torture, puis de la libération subséquente de M. Mahamat Souleymane Irégué, un jeune activiste membre du mouvement citoyen « Wakit Tamma », signifiant « l’heure est arrivée » en arabe local du Tchad, qui défend la justice et les libertés fondamentales dans le pays.
Le 27 août 2025 aux environs de 10h, Mahamat Souleymane Irégué a été arrêté par des agents de l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE) aux environs de l’aéroport de Ndjaména, capitale du Tchad. Malgré les prises de contact de ses proches avec l’ANSE, cette dernière a toujours nié détenir Mahamat Souleymane Irégué, laissant donc ses proches dans l’ignorance de son sort et sa localisation jusqu’à sa libération.
Dans les locaux de l’ANSE à Ndjaména, Mahamat Souleymane Irégué a subi des actes de torture. En présence de mercenaires russes venus former les agents tchadiens, des agents de l’ANSE cagoulés lui ont bandé les yeux, attaché les mains et les pieds sur une chaise en fer ; octroyé des décharges électriques ; noyé dans de l’eau puante et très chaude ; lui ont versé de l’eau chaude et piquante sur tout le corps ; ont tenté de l’asphyxier en lui faisant porter un sac plastique rempli de piment sur la tête pendant plusieurs minutes et de manière répétée ; l’ont également frappé avec un bâton, une matraque, des cordelettes comportant des fers et menacé de mort avec un revolver sur la tempe.
Ces actes de torture, perpétrés pendant l’interrogatoire de Mahamat Souleymane Irégué, ont été filmés par les agents de l’ANSE. Durant l’interrogatoire, Mahamat Souleymane Irégué fût accusé de communiquer des informations sur la vie politique du Tchad aux « ONGs, organisations internationales et européennes », de « complicité avec les occidentaux », de « fomenter un coup d’État », « d’inciter à la haine contre le Président et à la révolte populaire », et de « faciliter le procès de l’assassinat de l’opposant Yaya Dillo Djerou au niveau international ».
Vers 4h du matin dans la nuit du 27 au 28 août 2025, Mahamat Souleymane Irégué a été placé dans une cellule d’environ 1,5m2 avec trois autres détenus. Il n’a été autorisé à boire et manger qu’une seule fois et en quantité insuffisante durant toute la durée de sa détention.
Le 28 août vers 22h, Mahamat Souleymane Irégué a été libéré et a pu quitter les locaux de l’ANSE.
L’Observatoire condamne fermement l’arrestation et détention incommunicado de M. Mahamat Souleymane Irégué, qui ne semble viser qu’à le punir pour ses activités légitimes de défense des droits humains, et notamment ses récentes publications sur les réseaux sociaux qui appellent à une alternance démocratique dans le pays.
L’Observatoire souligne que, avant son arrestation, M. Irégué avait déjà signalé être surveillé et intimidé par le régime tchadien. Il s’était exilé en France entre décembre 2024 et janvier 2025, aux États-Unis en février et mars 2025, puis au Cameroun entre juillet et août 2025 afin d’assurer sa sécurité, avant de regagner le territoire tchadien.
L’Observatoire, dans son rapport intitulé « Espace civique et défenseur.es des droits humains au Sahel : convergence régionale des pratiques de répression », avait, en février 2025, mis en évidence la mise en place, par le régime tchadien au cours de ces dernières années, de techniques de répression telle que l’utilisation généralisée des arrestations et détentions arbitraires, afin de réduire au silence toute voix dissidente. Le rapport alternatif de l’OMCT et de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) au Comité des Nations unies contre la Torture démontre que l’ANSE est un des acteurs du régime actuel responsable d’actes de torture sur les défenseur·es des droits humains. En vertu de son mandat large et vague de lutte contre la « subversion et de déstabilisation dirigées contre les intérêts de l’État et de la nation », les défenseur·es sont très souvent réprimé·es sur ce fondement par l’ANSE.
L’Observatoire enjoint les autorités tchadiennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour ouvrir des enquêtes rapides, efficaces et impartiales sur l’arrestation et la détention arbitraires de M. Irégué, et à punir les responsables par des peines appropriées en s’assurant qu’elles soient dûment exécutées, conformément aux recommandations du Comité des Nations unies contre la torture contenues dans ses observations finales à l’État tchadien en 2022.
L’Observatoire appelle également les autorités tchadiennes à s’assurer que les défenseur·es des droits humains, les opposant·es politiques, les représentant·es de la société civile et les journalistes soient protégé·es contre toutes les formes d’intimidations, de harcèlements, d’arrestations et de détentions arbitraires, auxquelles ils et elles pourraient être exposé·es en raison de leurs activités, conformément aux recommandations du Comité des Nations unies contre la torture.
How You Can Help
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tchadiennes en leur demandant de :
- Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Mahamat Souleymane Irégué, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Tchad ;
- Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de M. Mahamat Souleymane Irégué et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Tchad,
- Cesser de cibler les défenseur.es des droits humains et garantir en toutes circonstances qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes en faveur des droits humains sans entraves ni crainte de représailles ;
- Ouvrir immédiatement des enquêtes rapides, efficaces et impartiales sur l’ arrestation et la détention arbitraires de Mahamat Souleyman Irégué, et punir les responsables par des peines appropriées en s’assurant qu’elles soient dûment exécutées, conformément aux recommandations du Comité des Nations unies contre la torture.
- Réformer l’ANSE conformément aux recommandations de l’OMCT et de la LTDH, afin de lutter contre le système actuellement en place qui favorise la torture ;
Addresses
• S.E. Mahamat Idriss Déby Itno, Président de la République, Email : contact@presidence.td, X : @GmahamatIdi
• M. Allamaye Halina, Premier Ministre, X : @AllamayeHalina
• M. Adberahim Bireme Hamid, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice chargé des Droits humains, Email : contact@minjustchad.org
• M. Sénoussi Hassana Abdoulaye, Maire de N’Djamena, Email : contact@mairiedendjamena.com
• Gen. Ismaël Souleymane Lony, Directeur général de l’Agence nationale de sécurité de l’État, Tél : +00 235 66 000121
• Mission permanente de la République du Tchad auprès du Royaume de Belgique, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume-Uni et Représentation permanente auprès de l’Union européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique, Email : contact@ambassadedutchad.be
• S.E. Bachar Brahim Adoum, Ambassadeur, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations unies à Genève, Email : info@missiontchad-geneve.ch
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Tchad dans vos pays respectifs.