L'Observatoire a été informé de la suspension des activités de l’ensemble des organisations non-gouvernementales (ONG) nationales et internationales présentes au Niger n’ayant pas procédé à la publication de leurs états financiers 2024 au Journal Officiel (JO) de la République du Niger.
Le 14 novembre 2025, le ministre de l’Intérieur du Niger a publié un communiqué (n°2384/MISP/AT/DGAT/DRL) informant le public de la liste des 75 ONG nigériennes et 61 ONG internationales présentes dans le pays ayant satisfait à leur obligation de procéder à la publication de leurs états financiers des activités 2024 au JO de la République du Niger, et ce avant le 31 mars 2025, en conformité avec « le communiqué n°2 du 10 janvier 2025 relatif au rappel des ONG et associations de développement exerçant au Niger » de procéder à cette publication.
Le 20 novembre 2025, la direction de l’aménagement du territoire et du développement régional et local, relevant du ministère de l’Intérieur a, dans un message radio, publié une liste additionnelle de 53 ONG nationales et 33 internationales ayant satisfait à leur obligation de publication de leurs états financiers 2024. A la date de publication de cet appel urgent, un total de 128 ONG nationales et 94 ONG internationales, soit environ 5,5% des ONG et associations enregistrées au Niger, ont satisfait à la demande. Le Niger compterait plus de 4.000 ONG et associations de développement, dont 332 sont étrangères.
Dans le communiqué du 10 janvier 2025, le ministre indique que, « conformément aux dispositions législatives portant régime des associations au Niger (décret 2022-182/PRN/MAT/DC du 24 février 2022, portant modalités d’application de l’article 20-1 de la loi 91-006 du 20 mai 1991, modifiant et complétant l’ordonnance 84-06 du 1er mai 1984, portant régime des associations au Niger), les activités de l’ensemble des ONG nigériennes et internationales qui ne se trouveraient pas sur cette liste sont suspendues à compter du 14 novembre 2025, pour une durée indéterminée ». Ces associations disposent d’un délai de 60 jours pour se conformer à leur obligation de publier leurs états financiers 2024 au JO de la République du Niger. Ce délai de 60 jours a été ramené à 30 jours à compter du 14 novembre 2025, selon le message radio suscité du 20 novembre 2025.
L’Observatoire rappelle que cette suspension intervient dans un contexte caractérisé depuis le coup d’État du 27 juillet 2023 par le rétrécissement de l’espace civique et des atteintes répétées aux droits fondamentaux de la société civile et de toutes voix dissidentes. À maintes reprises, les droits à la liberté d’expression, d’opinion, d’association, de réunion et de manifestation ont été violés, notamment à travers des arrestations et détentions arbitraires de défenseur·es des droits humains, dont M. Moussa Tchangari, détenu arbitrairement depuis près d’un an. Les actes de harcèlement judiciaire et les arrestations arbitraires de journalistes se sont multipliés ces dernières semaines, de même que la dissolution de syndicats du secteur de la justice et la suspension de magistrats syndicalistes ayant osé dénoncer ces dissolutions. Courant 2024, plusieurs ONG, dont ACTED, une ONG française, et Action pour le bien-être (APBE), une ONG nigérienne, et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), se sont également vues retirer leur autorisation d’exercice.
En février 2022, le gouvernement de l’époque a pris un décret venant compléter l’ordonnance n°84-06 du 1er mars 1984 portant régime des associations, et son décret d’application n°84-49/PCMS/MI du 1er mars 1984. Ce décret de 2022 a limité drastiquement le droit à la liberté d’association dans le pays en donnant aux autorités nigériennes un pouvoir de contrôle total sur l’action des organisations non-gouvernementales de développement (ONG/D) et en leur imposant de lourdes formalités, aussi bien lors de leur création, que pour l’obtention de financements, pour la planification de leurs activités ou l’utilisation de leurs biens. Ainsi, par un arrêté du 7 février 2025, le gouvernement nigérien a instauré un Comité technique pour encadrer les ONG opérant dans le pays, restreignant un peu plus la liberté d’association. Le rôle assigné officiellement à ce comité est de veiller à l'alignement des interventions des ONG avec les quatre axes stratégiques de la vision du gouvernement, suivre les activités des ONG sur le terrain et analyser les rapports annuels des ONG, amplifiant ainsi le contrôle de l’exécutif sur les organisations de la société civile.
L’Observatoire condamne la suspension des ONG n’ayant pas publié leurs états financiers 2024 au JO de la République du Niger, une obligation administrativement contraignante et intrusive, qui contrevient au droit à la liberté d’association tel que défini dans l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Niger est partie, et les Lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) adoptées lors de sa 60ème Session ordinaire tenue à Niamey au Niger en mai 2017.
L’Observatoire demande aux autorités militaires actuellement au pouvoir au Niger d’annuler immédiatement et sans conditions la suspension des ONG nationales et internationales n’ayant pas publié leurs états financiers 2024 au JO de la République, et de respecter en toutes circonstances le droit à la liberté d’association tel que reconnu par l’article 22 du PIDCP et les Lignes directrices de la CADHP.
How You Can Help
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux membres des autorités militaires actuellement au pouvoir au Niger en leur demandant de :
- Annuler immédiatement et sans conditions la suspension des ONG nationales et internationales n’ayant pas publié leurs états financiers 2024 au JO de la République du Niger ;
- Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect du droit à la liberté d’association, tel que garanti par le droit international des droits humains, en particulier par l’article22 du PIDCP et les lignes directrices de la CADHP, auxquels le Niger est partie ; et
- Supprimer le Décret N° 2022-182/PRN/MAT/DC du 24 février 2022 portant modalités d’application de l’article 20.1 de la loi n° 91-006 du 20 mai 1991 modifiant et complétant l’ordonnance n°84-06 du 1 mars 1984, portant régime des associations, ainsi que l’arrêté du 7 février 2025 portant création du comité technique en charge du contrôle et de la définition des activités des ONG au Niger.
Addresses
- Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Email : communication@presidence.ne ; X: @PresidenceNiger, @NIGER_CNSP
- M. Alio Daouda, Ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux du Niger, Email : ministere.justice@justice.gouv.ne, X : @ministere_niger
- S.E. M. Alhassane Idé, Ambassadeur, Mission permanente du Niger auprès de l’Union européenne, Email : info@ambaniger-bruxelles.be, ambassadedunigerbelgique@yahoo.be
- S.E. M. Laouali Labo, Représentant permanent du Niger, Mission permanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, Email : missionduniger1@gmail.com
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.

