Urgent Appeal

Maroc : Poursuite de la détention arbitraire de Hamid El Mahdaoui et Rabie Al-Ablak, détérioration de l’état de santé de ce dernier

26-04-2019

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite du harcèlement judiciaire de de MM. Hamid El Mahdaoui, directeur du site internet d’information marocain Badil.info, et Rabie Al-Ablak, correspondant de Badil.info à Al Hoceima (Région du Rif au nord du Maroc), ainsi que de la sérieuse dégradation de son état de santé. Les deux défenseurs sont visés pour avoir couvert en tant que journalistes la contestation sociale et les manifestations dans la région du Rif en 2017 [1].

Selon les informations reçues, le 5 avril 2019, la Cour d’appel de Casablanca a confirmé les condamnations visant un groupe de militants du Rif qui avaient été condamnés en juin 2018 pour leur participation au mouvement de protestation du « Hirak ». Parmi eux, M. Rabie Al-Ablak a vu sa peine de cinq ans de prison pour « avoir reçu des fonds étrangers pour mener une activité de propagande et porter atteinte à la sûreté intérieure de l’État » confirmée en appel. Il n’a pas assisté à l’audience, en protestation du caractère inéquitable du procès. M. Rabie Al-Ablak a entamé une grève de la faim le 20 mars 2019 pour protester contre sa détention arbitraire, qui dure depuis le 28 mai 2017 (voir rappel des faits). Le 9 avril 2019, M. Rabie Al-Ablak a été transféré de la prison de Oukacha à Casablanca à celle de Tanger 2 (à environ 300 kilomètres d’Al Hoceima où sa famille réside). Depuis ce transfert, M. Rabie Al-Ablak a droit à une visite par semaine. Le 17 avril 2019, après six jours sans boire d’eau, il a été temporairement transféré à l’hôpital de Tanger suite à trois évanouissements successifs. Le 24 avril 2019, il a à nouveau été transféré à l’hôpital et est retourné en prison le soir même. Il est actuellement dans un état de faiblesse extrême, son état de santé est très préoccupant.

M. Hamid El Mahdaoui avait d’abord été condamné à un an de prison ferme et 20 000 Dirhams d’amende (environ 1 798 Euros) pour « incitation à commettre une infraction grave ou mineure au moyen de discours et de cris […] dans un lieu public », « suivi d’effet » et « participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée » par la Cour d’appel d’Al Hoceima le 12 septembre 2017, puis à trois ans de prison et 3000 Dirhams d’amende (environ 270 Euros) le 28 juin 2018 (voir rappel des faits) pour « non-dénonciation d’une tentative de nuire à la sécurité intérieure de l’État ». Le 2 avril 2019, sa requête de liberté provisoire - présentée par ses avocats le 25 mars 2019 - a été rejetée par le président de la Cour d’appel de Casablanca. Le 5 avril, la Cour d’appel de Casablanca a confirmé sa peine de trois ans de prison et 3000 Dirhams d’amende. M. Hamid El Mahdaoui a assisté à l’audience. Le 11 avril 2019, M. Hamid El Mahdaoui a été transféré de la prison de Oukacha à Casablanca à celle de Tiflet, non loin de Rabat (à plus de 400 kilomètres d’Al Hoceima).

L’Observatoire exprime ses plus vives inquiétudes à l’égard de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de MM. Hamid El Mahdaoui et Rabie Al-Ablak, ainsi que de la sérieuse dégradation de l’état de santé de ce dernier depuis le début de sa détention.

L’Observatoire demande aux autorités marocaines de libérer immédiatement et sans condition MM. Rabie Al-Ablak et Hamid El Mahdaoui, et de cesser tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à leur égard et contre tous les défenseurs des droits humains au Maroc.

Rappel des faits :

M. Rabie Al-Ablak a été arrêté dans la rue à Al Hoceima le 28 mai 2017 alors qu’il s’apprêtait à prendre un taxi pour aller travailler, avant d’être transféré à la prison d’Oukacha à Casablanca. Il n’a pas eu accès ni à sa famille, ni à ses avocats pendant 4 jours après son arrestation. M. Rabie Al-Ablak aurait été victime de mauvais traitements lors de son arrestation et ses premiers jours de détention. Les forces de police auraient menacé de le violer s’il ne signait pas des aveux. Plusieurs demandes d’enquêtes formulées par les avocats de M. Rabie Al-Ablak ont été refusées par le procureur.

Entre le 26 juin et le 27 juillet 2017, M. Rabie Al-Ablak a entrepris une grève de la faim pour protester contre son arrestation arbitraire, ses conditions de détention et les mauvais traitements subis depuis son arrestation.

Le 27 juillet 2017, M. Rabie Al-Ablak a été transféré à l’hôpital Moulay Youssef de Casablanca après que son état de santé se soit fortement dégradé suite à sa grève de la faim.
Le 20 juillet 2017, des agents de police en tenue civile ont arrêté M. Hamid El Mahdaoui à Al Hoceima trois heures avant le début d’une manifestation non-autorisée organisée par le mouvement protestataire du Hirak et l’ont transféré à la prison d’Al Hoceima. La veille, M. Hamid El Mahadoui avait été interpellé par des individus l’ayant reconnu dans la rue et avait commencé une conversation informelle sur le mouvement du Hirak, au cours de laquelle il avait ouvertement critiqué les restrictions à la liberté de manifester. Des parties de l’enregistrement de cette conversation ont servi de base aux accusations portées contre M. Hamid El Mahadoui.

Le 25 juillet 2017 le Tribunal de première instance d’Al Hoceima a condamné M. Hamid El Mahadoui à trois mois de prison ferme et 20 000 Dirhams d’amende (environ 1 798 euros) pour « incitation à commettre une infraction grave ou mineure au moyen de discours et de cris […] dans un lieu public » et « participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée » selon les articles 299-1 du Code pénal et 14 du Dahir sur les rassemblements publics.

Le 28 juillet 2017, il a été transféré à la prison d’Oukacha à Casablanca.

Le 12 septembre 2017, la Cour d’appel d’Al Hoceima a condamné M. Hamid El Mahdaoui à un an de prison ferme et 20 000 Dirhams d’amende (environ 1 798 euros) pour « incitation à commettre une infraction grave ou mineure au moyen de discours et de cris […] dans un lieu public », « suivi d’effet » et « participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée ».
Suite au prononcé de la décision, M. Hamid El Mahdaoui a entamé une grève de la faim.

Le 28 juin 2018, la Cour d’appel de Casablanca a condamné M. Hamid El Mahdaoui à trois ans de prison ferme et 3 000 Dirhams d’amende (environ 270 euros) pour « non-dénonciation d’une tentative de nuire à la sécurité intérieure de l’État » au terme de l’article 209 du Code pénal. Le tribunal fonde ces accusations sur une conversation téléphonique qui aurait eu lieu le 2 juin 2017, au cours de laquelle un homme identifié comme « Noureddine » et décrit comme un marocain établi aux Pays-Bas opposé à la monarchie, aurait confié à M. Hamid El Mahadoui son intention de faire entrer illégalement des armes au Maroc afin de s’en servir au cours des manifestations du Hirak.

Par ailleurs, le 26 juin 2018, M. Rabie Al-Ablak a été condamné à cinq ans de prison pour « avoir reçu des fonds étrangers pour mener une activité de propagande et porter atteinte à la sûreté intérieure de l’État », en vertu de l’article 206 du Code pénal.

Le 28 mai 2018, il a entamé une nouvelle grève de la faim depuis la prison d’Oukacha à Casablanca, la troisième depuis le début de sa détention alors que celui-ci a déjà perdu 15kg. Malgré son état physique très précaire, l’avocat de M. Rabie Al-Ablak a rapporté que celui-ci n’avait été examiné par un médecin que le 14 juin 2018. De plus, le 2 juillet 2018, M. Rabie Al-Ablak a été brièvement transféré vers l’hôpital Moulay Youssef à Casablanca avant d’être renvoyé en prison malgré les menaces imminentes pesant sur son intégrité physique.

How You Can Help

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :

i. Garantir en toute circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de MM. Hamid El Mahdaoui et Rabie Al-Ablak, ainsi que l’accès immédiat à des soins médicaux adéquats pour ce dernier, dont les grèves de la faim répétées et prolongées font peser une menace imminente sur son intégrité physique ;

ii. Libérer immédiatement et inconditionnellement MM. Hamid El Mahdaoui et Rabie Al-Ablak, ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits humains détenus au Maroc ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Hamid El Mahdaoui et Rabie Al-Ablak, ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1, 6 (a), (b) et 12.2 ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.

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