Nous, les organisations soussignées, sont profondément troublées par le maintien en détention arbitraire du journaliste et défenseur des droits humains Michel Biem Tong, arrêté par le colonel Bamkoui et incarcéré au Secrétariat de la Défense à Yaoundé le 23 octobre dernier.
Lors de son arrestation, Michel Biem Tong a été accusé d’avoir soutenu des groupes séparatistes anglophones et d’apologie du terrorisme. Après quatre comparutions devant le Tribunal militaire de Yaoundé, il est sous le coup de quatre chefs d’accusation : apologie du terrorisme, fausse déclaration, incitation au crime et insulte à l’encontre du chef de l’État. Il a été transféré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé le 15 novembre 2018 où il encourt la peine de mort s’il est reconnu coupable. Il a été officiellement interdit de visite, n’a jamais pu accéder aux soins médicaux et aucun avocat du collège de conseil officiellement constitué n’a pu accéder au dossier de procédure.
Cet acharnement judiciaire fait suite aux récents reportages de Michel Biem Tong dans la région anglophone du Cameroun, dans lesquels il dénonçait les exactions perpétrées par plusieurs parties, dont les forces de sécurité gouvernementales, après l’élection présidentielle contestée d’octobre dernier. Nous pensons que ces accusations infondées constituent des mesures de représailles pour le travail légitime et pacifique du défenseur dans la région anglophone.
En outre, nous estimons que l’arrestation de Michel Biem Tong fait partie d’un plus vaste schéma d’intimidation, d’arrestations et d’acharnement judiciaire orchestré par le gouvernement contre les journalistes qui œuvrent pour mettre à jour et dénoncer les atteintes aux droits humains dans la région anglophone. L’affaire de Michel Biem Tong illustre les efforts du gouvernement visant à entraver le travail de ceux qui dénoncent les exactions perpétrées par les forces de sécurité au Cameroun en les jugeant devant des tribunaux militaires.
Depuis le début de la crise anglophone en 2016, les défenseur-ses des droits humains qui travaillent dans ces régions doivent faire face à une menace croissante ; durant ces deux derniers mois qui suivent l’élection présidentielle, la situation s’est aggravé et beaucoup ont signalé plus de surveillance téléphonique, de filatures, de menaces de mort, d’arrestations et de détention.
La crise anglophone a éclaté en 2016 lorsque les enseignants et les avocats ont commencé à protester contre la marginalisation de la culture anglophone au Cameroun. Depuis 2016, la crise est devenue de plus en plus violente car certains groupes armés affirment lutter pour l’indépendance et la séparation d’avec le Cameroun francophone.
Le procès de Michel Biem Tong devrait commencer le 5 décembre, devant le Tribunal militaire de Yaoundé ; les organisations soussignées appellent le gouvernement du Cameroun à :
1. Libérer immédiatement et sans condition Michel Biem Tong et abandonner toutes les charges portées contre lui, car nous craignons qu’il soit détenu uniquement à cause de son travail légitime et pacifique en faveur des droits humains ;
2. Cesser immédiatement de cibler tous-tes les défenseur-ses des droits humains et les journalistes au Cameroun, en particulier ceux qui travaillent dans la région anglophone afin qu’ils-elles puissent mener à bien leurs activités légitimes en faveur des droits humains, sans craindre ni restrictions ni représailles, y compris l’acharnement judiciaire.