Le ministre de l’Administration Territoriale du Cameroun a pris un arrêté le 6 décembre 2024 suspendant le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC), un partenaire clé de la société civile dans la promotion et la protection des droits humains en Afrique centrale. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (OMCT - FIDH) exprime sa profonde inquiétude face à cette atteinte manifeste à la liberté d’association et demande aux autorités de révoquer immédiatement cet arrêté et de mettre un terme au harcèlement des organisations de la société civile dans le pays.
Genève, Paris, le 13 décembre 2024 – La suspension du REDHAC, prononcée le 6 décembre 2024 par le ministre de l’Administration Territoriale du Cameroun pour une durée de trois mois, repose sur des accusations graves, notamment de « financements illicites » et de « non-respect des dispositions légales ». Cependant, l’Observatoire note avec préoccupation que ces accusations ne sont accompagnées d’aucune preuve tangible ou d’une procédure transparente permettant au REDHAC d’exercer son droit à la défense.
Le REDHAC est une organisation de la société civile de renommée, dont le travail courageux et déterminé contribue de manière significative à la lutte contre les violations des droits humains, à la protection des défenseur·es et à la promotion de la justice en Afrique centrale. L’Observatoire souligne que les organisations de défense des droits humains, y compris le REDHAC, mobilisent des ressources financières à travers des partenariats internationaux légitimes avec des institutions publiques et privées, conformément aux lois et normes internationales. Ces financements permettent aux ONG de mener des actions cruciales, telles que l’assistance juridique, la formation en droits humains, la vulgarisation des instruments juridiques, la promotion du dialogue social, la lutte contre les discours haineux et le plaidoyer pour la justice et la dignité.
Accuser une organisation comme le REDHAC de « financements illicites » ou « inexpliqués », sans preuve et sans procédure transparente, constitue une tentative flagrante de délégitimer son travail et de justifier des restrictions arbitraires. L’Observatoire rappelle que, conformément à l’article 13 de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, les ONG ont le droit d’obtenir des fonds, y compris de sources internationales, pour mener leurs activités sans crainte d’intimidation ni d’ingérence abusive.
Le jour du prononcé de l’arrêté, le sous-préfet de la commune de Douala 1er a fait apposer des scellés sur les locaux de l’organisation. Ces scellés ont par la suite été brisés par la Présidente du Conseil d’Administration du REDHAC et Avocate au Barreau du Cameroun, Alice Nkom, qui considère ces scellés illégaux. Cette dernière est désormais convoquée par le préfet du Wouri, de même que Maximilenne Ngo Mbe qui a été convoquée en tant que Directrice Exécutive du REDHAC. Cinq autres membres du REDHAC ont également été convoqués au Commissariat central No 1 de la ville Douala. Ces convocations, adressées à des dirigeantes et personnels de l’organisation, visent à les intimider et empêcher qu’ils et elles exercent les recours reconnus par la loi pour rétablir le REDHAC dans ses droits.
La suspension du REDHAC constitue une attaque flagrante à la liberté d’association et un signal alarmant pour l’espace civique au Cameroun. Ces attaques ne sont pas nouvelles et s’inscrivent dans un contexte de harcèlement constant de l’organisation et de ses membres puisqu’en 2020 déjà, le même ministre de l’Administration Territoriale accusait le REDHAC de recevoir des financements de réseaux occultes et de vouloir déstabiliser l’État. De plus, Mme Ngo Mbe fait l’objet depuis 2010 de campagnes de diffamation, de menaces de mort et tentative d’agression, d’extorsions, de filature et d’intimidations de la part d’acteur.ices non identitifé.es et des services de renseignements visant à entraver son travail de défense des droits humains. Ces récentes attaques envers le REDHAC ne sont pas non plus isolées puisque plusieurs autres organisations ont également été suspendues ou interdites le même jour par le ministre de l’Administration Territoriale.
La suspension du REDHAC intervient alors que le Comité des Nations Unies contre la torture, dans ses observations finales de novembre 2024, a appelé le Cameroun à garantir un environnement sûr pour les défenseur·es des droits humains.
L’Observatoire condamne fermement la suspension du REDHAC et souligne que toute tentative de réduire au silence ces voix nécessaires affaiblit non seulement la société civile, mais également les fondations mêmes de la démocratie et de l’État de droit, alors même qu’approche l’élection présidentielle prévue en octobre 2025.
L’Observatoire appelle les autorités camerounaises à révoquer immédiatement l’arrêté du 6 décembre 2024 suspendant les activités du REDHAC et à permettre à l’organisation de reprendre ses activités sans entraves.
L’Observatoire appelle également les autorités à mettre fin aux actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre du REDAHC et de tou·tes les défenseur·es et organisations de défense des droits humains, en conformité avec la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme et avec les recommandations du Comité contre la torture.