L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite du harcèlement judiciaire de Mme Eleonora Laterza, M. Théo Buckmaster, M. Bastien Stauffer, respectivement de nationalité italienne, belgo-suisse et suisse, et M. Jean-Luc Jalmain, Mme Lisa Malapert, M. Mathieu Burellier et M. Benoît Ducos, de nationalité française (ci-après « les 3+4 de Briançon »), militants pour l’aide et l’accueil des personnes migrantes et réfugiées.
Selon les informations reçues, le 13 décembre 2018, le Tribunal correctionnel de Gap a rendu son jugement en délibéré dans l’affaire des « 3+4 de Briançon ». M. Benoit Ducos, M. Théo Buckmaster , M. Bastien Stauffer, Mme Lisa Malapert et Mme Eleonora Laterza ont été condamnés à 6 mois de prison avec sursis pour aide à l’entrée irrégulière d’un étranger en France, la circonstance aggravante « en bande organisée » n’ayant pas été retenue contre eux. M. Mathieu Burellier, également poursuivi pour rébellion (lors de son arrestation au soir de la manifestation), a été condamné à 12 mois de prison, dont 8 avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans avec obligation d’indemniser les policiers qui se sont portés partie civile à hauteur de 4 000 euros. M. Jean-Luc Jalmain, aussi jugé pour participation à un attroupement et avoir relevé son t-shirt face aux gaz lacrymogènes lors d’un autre rassemblement en septembre 2018, a lui été condamné à 12 mois de prison dont 8 avec sursis. Les « 3+4 de Briançon » ont annoncé vouloir faire appel de cette décision sous 10 jours.
Le 8 novembre 2018, les « 3+4 de Briançon » avaient comparu devant le Tribunal correctionnel de Gap pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée » aux termes des articles L622-1 et L622-5 (pour l’aggravante) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Cedesa). Ils encouraient jusqu’à 10 ans de prison et une amende de 750 000 euros ainsi que, s’agissant des ressortissants étrangers, d’une interdiction de pénétrer sur le territoire français.
Les accusations portées à l’encontre des « 3+4 de Briançon » sont liées à leur participation à une marche de solidarité avec les personnes migrantes et réfugiées au col de Montgenèvre, entre l’Italie et la France le 22 avril 2018 (voir rappel des faits). Cette marche spontanée répondait à une opération de « blocage des frontières » entre la France et l’Italie organisée la veille, le 21 avril 2018, par des militants du groupuscule néo-fasciste et suprématiste « Génération Identitaire », lesquels n’ont par ailleurs aucunement été inquiétés par les autorités, ni pendant leur action, ni ultérieurement. La condamnation en dépit de l’abandon de la circonstance « en bande organisée » apparait d’autant plus singulière qu’on pouvait légitimement penser que la bande organisée était l’unique moyen de fonder les poursuites spécifiquement contre les sept défenseurs.
L’Observatoire rappelle que le 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une exemption pénale était nécessaire pour les actes d’aide à la circulation irrégulière, lorsque celle-ci constitue l’accessoire de l’aide au séjour, si ces actes ont par ailleurs un but humanitaire . Le Conseil constitutionnel a décrété en outre qu’une aide désintéressée au "séjour irrégulier" ne saurait être passible de poursuites au nom du "principe de fraternité"[1]. L’Observatoire s’inquiète cependant d’un maintien du délit de solidarité envers les personnes accusées d’aide à l’entrée et ce en dépit du caractère « humanitaire et désintéressé » de leur action.
L’Observatoire rappelle également que le 12 décembre 2018, la Cour de cassation a partiellement annulé les condamnations des défenseurs des droits humains M. Cédric Herrou[2] et M. Pierre-Alain Mannoni[3], à la lumièrede la nouvelle rédaction de l’article 622-4 du Ceseda qui exonère de poursuites pénales « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire ».
L’Observatoire s’indigne de la condamnation et du harcèlement judiciaire à l’égard des « 3+4 de Briançon », qui ne visent qu’à sanctionner leurs activités légitimes de défense des droits humains, et particulièrement leurs actions en faveur des personnes migrantes et réfugiées à la frontière franco-italienne.
L’Observatoire appelle les autorités françaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des « 3+4 de Briançon » et celle de l’ensemble des défenseur.e.s des droits humains visé.e.s dans le cadre de leurs actions en faveur des personnes migrantes et réfugiées en France.
Rappel des faits :
Le 22 avril 2018, Mme Eleonora Laterza, M. Théo Buckmaster et M. Bastien Stauffer (ci-après « les 3 de Briançon ») ont été interpellés par les gendarmes à Briançon, suite à leur participation à une marche de solidarité avec les personnes migrantes et réfugiées entre l’Italie et la France.
Le 24 avril 2018, le Tribunal correctionnel de Gap les a placés en détention provisoire. MM. Théo Buckmaster et Bastien Stauffer ont d’abord été placés en détention à la maison d’arrêt de Gap avant d’être transférés à la prison des Baumettes à Marseille le 26 avril où se trouvait déjà Mme Eleonora Laterza. Les 3 de Briançon sont restés détenus dans la « partie des arrivants » jusqu’au 3 mai 2018, date à laquelle le Tribunal correctionnel de Gap a ordonné leur mise en liberté provisoire.
Le 31 mai 2018, les 3 de Briançon ont comparu devant le Tribunal correctionnel de Gap pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée ». Lors de cette audience le Tribunal correctionnel a levé le contrôle judiciaire et renvoyé le procès d’Eleonora Laterza, Bastien Satuffer et Théo Buckmaster au 8 novembre 2018 en raison de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du « délit de solidarité », d’aide à l’entrée et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, que le Conseil Constitutionnel devait trancher en juillet 2018.
Le 17 juillet, quatre nouvelles personnes, de nationalité française, M. Jean-Luc Jalmain, Mme Lisa Malapert, M. Mathieu Burellier et M. Benoît Ducos, (les « 4 de Briançon ») ont à leur tour été placées en garde à vue et inculpées pour les mêmes motifs que les 3 de Briançon. L’audience de leur procès a également été renvoyée au 8 novembre.