L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire de M. Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement actions jeunesse (RAJ), de l’acquittement et de la libération de M. Samir Belarbi, activiste et figure phare du « mouvement du 22 février », ainsi que de la poursuite du harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Kaddour Chouicha, syndicaliste et président de la section d’Oran de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH).
Selon les informations reçues, le 4 février 2020, le juge d’instruction près le Tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a décidé de prolonger le mandat de dépôt et donc la détention provisoire de M. Abdelouahab Fersaoui pour quatre mois supplémentaires dans l’attente de son procès, dont la date n’a toujours pas été fixée. M. Fersaoui est détenu à la prison d’El Harrach depuis son arrestation le 10 octobre 2019 alors qu’il participait à un rassemblement devant le Tribunal de Sidi M’hamed en soutien à des détenus du Hirak [1]. Le 15 janvier 2020, l’appel introduit pour sa libération provisoire avait été rejeté par la Cour d’Alger.
Par ailleurs, le 3 février 2020, M. Samir Belarbi a été acquitté et libéré par le Tribunal de Bir Mourad Rais (Alger). Le 27 janvier 2020, le Procureur de la République près le Tribunal de Bir Mourad Rais avait requis trois ans d’emprisonnement et une amende de 50 000 Dinars (environ 378 Euros) à son encontre pour « atteinte à l’unité nationale » (article 79 du Code pénal algérien) et « diffusion ou détention de publications portant atteinte à l’intérêt national » (article 96 du même Code). Il se trouvait en détention provisoire depuis son arrestation le 16 septembre 2019.
D’autre part, le 28 janvier 2020, le procès en appel de M. Kaddour Chouicha contre sa condamnation en première instance à un an de prison ferme et à une amende de 10 000 Dinars (environ 75 Euros) pour « atteinte à corps constitués » et « publications susceptibles de porter atteinte à l’ordre public » (voir rappel des faits), a une nouvelle fois été reporté au 18 février 2020.
L’Observatoire se réjouit de la libération de M. Samir Belarbi, mais rappelle qu’il n’aurait jamais dû être arrêté en premier lieu et que sa détention était arbitraire, ne visant qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains.
L’Observatoire condamne par ailleurs la poursuite du harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Kaddour Chouicha et de M. Abdelouahab Fersaoui, ainsi que la poursuite de la détention arbitraire de ce dernier, qui ne visent qu’à sanctionner leurs activités légitimes de défense des droits humains. L’Observatoire appelle les autorités algériennes à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à leur encontre ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays.
Rappel des faits :
Le 24 octobre 2019, M. Kaddour Chouicha a été arrêté par des hommes en civil lors d’un rassemblement en soutien aux détenus politiques organisé devant le Tribunal d’Oran. Emmené dans un véhicule banalisé, il a été emmené à la brigade mobile de la police judiciaire du quartier Dar El Bida, à Oran. Le 24 octobre au soir, M. Kaddour Chouicha s’est vu confisquer son téléphone et a été relâché sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.
Le 10 décembre 2019 au matin, M. Kaddour Chouicha s’est rendu à la brigade mobile de la police judiciaire du quartier Dar El Bida pour récupérer son téléphone portable. Il a alors été arrêté sans mandat d’arrêt, puis présenté au Procureur de la République de Cité Djamel, qui a décidé de le juger en comparution immédiate. Ses avocats, venant d’avoir accès au dossier de leur client, n’ont eu que peu de temps pour préparer la défense. Le Tribunal de Cité Djamel a condamné M. Chouicha à un an de prison ferme pour « atteinte à corps constitués » et « publications susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », ainsi qu’à une amende de 10,000 Dinars (environ 75 Euros). Ce dernier a été incarcéré à la prison d’Oran suite à l’audience et a fait appel de cette condamnation[2] .
Le 7 janvier 2020, M. Kaddour Chouicha a été placé en liberté provisoire dans l’attente de la tenue de son procès en appel, reporté au 28 janvier 2020, après que ses avocats ont formulé une demande de mise en liberté pour des raisons de santé. De nouveau arrêté le 14 janvier dans le cadre d’un acharnement policier et pour des motifs inconnus, et retenu une nuit dans les geôles de la direction de la sûreté à Oran, il a été présenté le 15 janvier devant le procureur qui n’a donné aucune suite à cette affaire.
La santé de M. Kaddour Chouicha - qui souffre de maladies chroniques, notamment de diabète et d’hypertension, et doit suivre un lourd traitement médical quotidien - s’est rapidement détériorée en détention. M. Chouicha, âgé de 63 ans, était détenu dans une cellule surpeuplée et devait dormir par terre. Le 5 janvier 2020, il a été transféré en urgence à l’hôpital d’Oran pour des soins, et a été gardé à l’infirmerie après son retour à la prison d’Oran.
L’Observatoire rappelle que l’arrestation de M. Kaddour Chouicha est intervenue dans un contexte de répression généralisée des manifestants et défenseurs des droits humains en Algérie. Les manifestants du Hirak[3] subissent, depuis septembre 2019, une vague de répression et d’arrestations arbitraires sans précédent[4] . Le 2 janvier 2020, 76 personnes détenues dans le cadre du Hirak ont été libérées, certaines dans l’attente de la poursuite de leur procès. Parmi elles, on compte les membres du Rassemblement actions jeunesse (RAJ), MM. Hakim Addad, Massinissa Aissous, Djalal Mokrani, Ahmed Bouider, Kamel Ouldouali, Karim Boutata, Ahcene Kadi, Wafi Tigrine et Khireddine Medjani. D’autres défenseurs, dont MM. Karim Tabbou et Fodil Boumala, deux militants du Hirak, sont toujours incarcérés en raison de leur implication dans les manifestations pacifiques.