Paris-Genève, le 24 mars 2020 - L’acharnement judiciaire à l’encontre des manifestants du Hirak se poursuit en Algérie, avec la condamnation en appel de M. Karim Tabbou, alors même que le mouvement a décidé d’observer une trêve, au vu du contexte sanitaire mondial, pour essayer d’enrayer la propagation du Covid-19. L’Observatoire dénonce avec une extrême vigueur ce procès inique et appelle à la libération de tous les défenseurs des droits humains arbitrairement détenus.
Alors même qu’il devait sortir de la prison de Koléa ce jeudi 26 mars après avoir passé six mois en détention, M. Karim Tabbou, figure emblématique du mouvement du Hirak, a été condamné aujourd’hui en appel par la Cour de Ruisseau (Alger) à un an de prison ferme. Ce simulacre de procès s’est déroulé dans des circonstances à peine croyables, les avocats de la défense n’ayant pas été informés au préalable de la tenue de l’audience. Présenté devant le juge sans aucun représentant pour le défendre, M. Karim Tabbou a refusé de comparaître, faisant valoir le droit à un procès équitable dont il bénéficie en vertu du droit algérien ainsi que des conventions internationales ratifiées par l’Algérie. Le juge lui a refusé ce droit, et a insisté pour que l’audience se poursuive. Suite à ce développement, M. Tabbou a été victime d’un malaise et a été transféré en urgence à l’infirmerie de la Cour. Les avocats qui avaient pu rejoindre l’audience entre temps ont alors demandé un report du procès en raison de l’état de santé préoccupant du prévenu. Le juge a, une fois de plus, refusé cette demande et a condamné M. Tabbou à un an de prison ferme.
« Les évènements qui se sont produits aujourd’hui à la Cour de Ruisseau à Alger sont en contradiction totale avec les droits humains les plus élémentaires, et mettent en lumière des dysfonctionnements graves ainsi que l’arbitraire de la justice algérienne », a commenté Alice Mogwe, présidente de la FIDH. « La crise sanitaire qui touche actuellement l’ensemble des continents devrait plus que jamais inciter les Etats à libérer tous les défenseurs arbitrairement détenus, et non à les emprisonner », a-t-elle poursuivi.
« Le vrai visage de la justice se montre en temps de crise. Alors que les gouvernements et les systèmes pénitentiaires du monde entier s’efforcent de réduire le nombre de détenus, le gouvernement algérien les remplit de manifestants pacifiques et de défenseurs des droits humains. C’est non seulement scandaleux, mais cela représente surtout une réelle menace de mort à leur encontre », a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT. « Le gouvernement algérien porte l’entière responsabilité, en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture, de l’intégrité physique et du bien-être psychologique de Karim Tabbou. Nous appelons à sa libération immédiate », a-t-il conclu.
M. Karim Tabbou a été arrêté le 12 septembre 2019 et placé en détention provisoire pour « atteinte au moral de l’armée », puis relâché le 24 septembre 2019 sur décision de la chambre d’accusation près la Cour de Tipasa. Le lendemain, il a de nouveau été arrêté à son domicile par des agents en civil et placé en détention préventive à la prison de Koléa pour « entreprise de démoralisation de l’armée » (article 75 du Code pénal algérien), « atteinte à l’unité du territoire national » (article 79 du même Code) et « incitation à attroupement » (article 100 du même Code). Sa détention a par la suite été confirmée par un juge d’instruction d’Alger le 2 octobre 2019. Lors de l’audience du 4 mars 2020, le Procureur près le Tribunal de Sidi M’hamed avait requis qutre ans de prison et 200 000 DA (environ 1 470 Euros) d’amende à son encontre. Le 11 mars 2020, le Tribunal de Sidi M’hamed a rendu son verdict et prononcé une peine d’un an de prison dont six mois ferme assortie d’une amende de 50 000 DA (environ 370 Euros) à son encontre, n’ayant retenu que les charges de l’article 79 du Code pénal. Sa sortie de prison était donc prévue pour le 26 mars 2020.
L’Observatoire rappelle qu’au terme de l’article 14.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (ratifié par l’Algérie le 12 septembre 1989), « 3. Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
[…] b) A disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ; […] d) À être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ; […] ». Par ailleurs, conformément à l’article 56 de la Constitution algérienne : « Toute personne est présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par une juridiction régulière dans le cadre d’un procès équitable lui assurant les garanties nécessaires à sa défense ».
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• FIDH : Samuel Hanryon / Eva Canan : +33 1 43 55 25 18
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L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.